Né à New
York le 30 Mai 1941, Lenny Popkin avait 13 ans quand il a
entendu pour la première fois, sur un 25 cm, un
titre des années trente, de Louis Armstrong. Il y
avait quelque chose dans ce disque qui s'adressait
directement à lui. " Je me suis identifié avec
ce sentiment " explique Popkin, " Cela m'a saisi ". Avant ce
moment, Popkin avait joué du ukulélé,
de l'accordéon et de la batterie. Il a aussi pris des
leçons de violon mais sans grand enthousiasme. " Je
voulais créer mais sur le violon ; j'exécutais
des compositions ".
A 15 ans, Popkin se mets
au saxophone alto après avoir entendu Earl Bostic.
Puis il élargi son champs d'écoute grâce
au show radiophonique de Symphony Sid. " A cette
époque j'étais conscient de la situation du
jazz. Bird était mort et à la fin des
années 50, les gens ne parlaient plus de Bird. Ils
parlaient de ce qui allait remplacer Bird. Ils ne parlaient
plus de Pres, ni de Billie Holiday, pas plus que de Charlie
Christian ou Lennie Tristano. Les disques de Pres, avec Basie
sur Epic, étaient introuvables. (Ces deux lp's 30 cm ont été réédités
après la mort de Pres en 1959 sous le titre de
Lester Young
Memorial Vol 1 & 2).
Le disque qui a vraiment
changé la vie de Popkin fut le Prestige 7004. Une
compilation de titres du début des années 50
par Lee Konitz, sur lesquels l'altiste était
accompagné par Tristano, Warne Marsh, Sal Mosca et
Billy Bauer. Il dit " Je l'ai écouté en boucle
et ne pouvai pas y croire ".
A cette époque, en
1959, Tristano réorganisait son quintet avec Konitz
et Marsh et passait au Half Note sur Hudson Street. Popkin
était captivé par le groupe et allait au club
tous les soirs ; et restait pour tous les sets. " Avant cela,
je cherchais la musique à laquelle je pourrais
m'identifier. La musique de Lennie, pour moi, avait tout
parce qu'elle swinguait mais était aussi totalement
créative. Chaque air qu'ils jouaient ne ressemblait
à rien de ce que j'avais jamais entendu. Chaque air
était différent des autres. Des variations
infinies. Chaque fois que j'entendais Lennie jouer,
c'était comme partir en voyage sans jamais savoir ce
qui allait arriver ".
Cette musique a nourri le
sentiment d'improvisation que Popkin avait en lui. "
C'était la musique la plus improvisée que je
n'avais jamais entendue " se souvient-il.
Entre les sets, le jeune
aspirant posait des questions à Tristano sur le jazz
et le pianiste lui répondait avec attention. " Il
était si chaleureux et c'était la
première occasion que j'avais d'entrer en relation
avec quelqu'un qui ressentait si intensément la
musique, le jazz ".
En 1961, il commence
à étudier avec Tristano. " Pour que l'art ait
un sens, il doit avoir de la spontanéité et du
sentiment " dit Popkin ; " j'avais toujours entendu cela
mais je ne l'avais jamais appris de personne. Tous les
livres que je lisais parlaient d'art en termes de technique,
l'analysaient d'une façon très intellectuelle,
et ne vous disaient rien sur sa création. Lennie est
le seul professeur que j'ai toujours entendu -à part
ceux qui lui furent associés- qui commençait
avec le sentiment ".
" Son approche de la technique instrumentale était
que vous deviez être capable de jouer quelque chose tel que
vous l'entendiez et le ressentiez. Votre instrument devait
être un amplificateur directement branché sur
votre cerveau ".
" Étudier avec Lennie était tout pour moi "
dit Popkin, " parce qu'en plus de m'apprendre comment jouer
du sax, il m'a parlé de Pres, Roy Eldridge, Bird,
Charlie Christian, Fats Navarro et Bud Powell. Cela a
changé ma vie car ce sont des artistes qui m'ont
profondément ému et qui sont toujours
présents dans ma vie quotidienne. Je les
écoute constamment. Ils sont une inépuisable
source d'inspiration. Et je pense toujours la même
chose. Quand j'écoute Pres ou Billie, je réagis
de la même façon. C'est toujours le même
frisson."
Popkin continue
d'être inspiré par Konitz (" son travail avec
Lennie et avec Stan Kenton ") et Marsh (" sa sonorité
m'émeut, ainsi que la chaleur de son jeu "). Depuis
le début des années 60, la seule chose que
souhaitait Popkin était de jouer. Il s'est
trouvé isolé, avec quelques amis, parce que "
Il n'y avait pas beaucoup de gens de mon âge dans
cette affaire ". Sal Mosca fut son sauveur. Ils jouaient
ensemble plusieurs fois par semaine. Il s'est aussi
réconforté auprès de Tristano. " Quand
la scène n'acceptait pas Lennie, il n'arrêtait
pas de jouer sa musique. Il n'arrêtait pas de
développer ses idées. Il n'arrêtait pas
d'enseigner."
Grâce à Tristano, il fit connaissance de la
pianiste Connie Crothers ; " Elle a été d'une
grande inspiration pour moi " dit-il.
En 1966 Popkin est
passé de l'alto au ténor. Il dit " Et
voilà ! " et il ajoute, " Je ne sais pas pourquoi.
Cela correspondait à un besoin en moi ".
Il a survécu grâce à différents
boulots dans et hors de la musique. Les engagements musicaux
n'ont pas compris beaucoup de dates en club. " J'ai
découvert que je ne pouvais pas créer de la
musique sous d'autres conditions que l'improvisation. Faire
quoi que ce soit d'autre aurait interféré avec
mon jeu parce qu'instinctivement, j'aurais commencé
à m'auto-censurer."
Popkin enseigne à Jamaiqua Queens, du début des années 70
jusqu'à ce qu'il soit découvert. " Enseigner
ressemble beaucoup a l'improvisation " dit-il. " Et j'ai
appris cela de Lennie. Il n'avait pas de méthode. Il
y a certaines choses dont il vous parlait mais il traitait
chacun en tant qu'individualité. Si vous apprenez aux
gens à improviser, vous leur apprenez à
s'exprimer. C'est une expérience incroyablement belle."
Popkin n'a pas joué
beaucoup en public. " Lennie était le seul musicien
de jazz établi a m'engager. J'ai travaillé
avec lui en 1969 au Connecticut."
Les sessions en studio de Tristano lui ont permis de
s'exprimer. " Cela m'a donné une chance de jouer "
dit Popkin " et de jouer pour des gens qui écoutaient
attentivement. Il n'y a rien de tel que de jouer pour des
gens qui sont accrochés à chaque note que vous
jouez. Cela vous oblige à rester honnête
".
Ces dernières
années, Popkin a joué avec Connie Crothers en
duo et comme élément d'un quartet qui incluait
Gomez et Scattaretico. Du grand Gomez il dit : " Son jeu est
si mélodieux. En jouant ensemble -particulièrement sur les ballades- nous
créons simultanément deux lignes. Il
écoute chaque note. My One And Only
Love par exemple a
une magnifique ligne de basse. Il est un accompagnateur
d'une telle sensibilité !"
Scattaretico, de Yonkers,
a dans les 25 ans. Il a étudie avec Tristano et
Crothers. Popkin dit : " Quelque chose qui m'a
profondément ému est la manière dont
Max Roach, Kenny Clarke, Philly Joe Jones, et Elvin Jones
maintiennent le tempo. C'est une expression de base du
sentiment du jazz. Pete vient de cette tradition. La
façon dont il garde le tempo - il accompagne
chaque note que vous jouez. Il s'unit magnifiquement..
Du groupe, il ajoute : " C'est un trio -trois personnes
qui créent quelque chose simultanément."
Ira Gitler.
Extrait des notes de pochette du LP Falling
Free,
1979.
Traduction Pomotu,
2002